Nous sommes éternels est, au présent, la remémoration obstinée d’un destin tragique. L’héroïne y revit à plusieurs voix des épisodes de son enfance et de sa jeunesse. Elle se replonge, passionnée mais douloureusement résignée, dans cette merveilleuse insouciance complice et progressivement amoureuse entre Dan et elle qui, enfants puis adolescents, se croyaient frère et soeur.
L’intrigue se joue sur plusieurs temps parfois simultanés. La famille disparue se réveille dans les traces profondes de souvenirs lancinants. Jeux de la mémoire et peut-être du rêve, ambiguïté d’une situation étrange, de personnages dépositaires d’un terrible secret. Amour et mystère, fatalité.
Extérieurs à l’histoire Phil, le compagnon d’Estelle, et sa fille ne chantent pas. Leur rôle est discret. Presque sans le savoir, ils sont, dans cette maison qu’ils découvrent, les guides parlants de ce récit polyphonique. Malgré ses liens avec eux dans l’actualité d’aujourd’hui, Estelle chante à tous les temps qu’elle a vécus : celui de l’enfance, celui du drame et celui d’aujourd’hui. Elle chante en dialogue permanent avec différents épisodes d’un passé dont elle vit la sourde évocation.
Le temps d’ « avant » est traité comme en filigrane. Il s’impose de manière croissante au cours de l’oeuvre. C’est lui qui en constitue l’énigme centrale.
Le livret fait le choix de rassembler toute l’histoire en un seul lieu : la maison provinciale française des jours de bonheur, même si, à l’acte 2, les faits sont censés se dérouler à New York.
Il est beaucoup question de danse dans cet opéra en français où un des personnages, le chorégraphe américain, ne chante qu’en anglais. (Il y a même quelques mots de russe –ceux du Dr. Minor).
La musique jette des ponts, crée des liens, elle annonce, elle suggère, elle rappelle, elle tente de rassembler, d’unifier tout en soulignant les particularités de chaque personnage et de chaque situation.
Rouvrant les portes et les fenêtres de la maison de son enfance, Estelle y convoque les fantômes des siens, elle y revit les moments essentiels d’une enfance et d’une adolescence inoubliables. Les épisodes successifs de l’opéra illustrent ces moments de sa vie.
Il y a essentiellement trois « temps » : * celui de l’enfance, * celui du passé soit vécu comme si l’on était au présent, soit raconté et * le temps présent. Le passé raconté se déroule évidemment au présent mais ce présent est à divers degrés de « proximité ».
Le temps présent (4e temps) a deux composantes : la première, « réaliste », est assumée par Phil et la Fillette (rôles parlés – bruits de la maison), la seconde est de nature onirique (rôles chantés) sur différents plans. Il y a plusieurs moments où ces deux composantes –réalisme, onirisme-se superposent.
Le 2e acte se passe à New York mais il est, comme les autres, « joué » dans la maison.
La danse est très présente tout au long de l’histoire mais elle n’est réellement objectivée, visible, « dansée », qu’à deux moments : la scène 7 de l’acte 1 (Dan enfant) et la scène 2 de l’acte 2 (Dan adulte et Alwyn au studio new yorkais du chorégraphe). La scène 6 du même acte 2 est chantée par « le choeur des danseurs ». Elle pourrait avoir un caractère discrètement chorégraphique.
Les liens musicaux entre les actes sont nombreux mais l’acte new-yorkais a une couleur spécifique et des motifs bien à lui. Cette couleur est annoncée dès les premiers accords du piano de l’Interlude reliant les Actes 1 et 2, d’abord discrètement (musique un rien jazzy), puis avec un certain éclat (on est soudain à New York).
L’orchestre est fluide et ductile, parfois légèrement bruitiste, très « près » des mots chantés. Il conduit, annonce, évoque, commente brièvement. Il est en charge du « non-dit ». Le piano y joue un rôle parfois important. Un grand harmonium (qui pourrait être joué sur un bon synthétiseur bien programmé) ajoute une couleur très particulière, notamment lors de certains moments dramatiques. Quelques citations très déformées (et parfois assez cachées) du Boléro de Ravel – bribes du motif rythmique et de la mélodique- émaillent plusieurs scènes où il est question de Nicole.
Dan chante plusieurs fois « en coulisse » (ou dans la fosse ?) – sa voix vient, alors, d’ailleurs. C’est sa voix d’après la mort. Elle rappelle Estelle au souvenir.
Il n’y a ni Ouverture ni Prélude à l’acte 1. Les actes 1 et 2 sont enchaînés. L’acte 2 est introduit par quelques mesures à peine. L’acte 3, lui, précédé de l’entracte, a un petit Prélude de 15 mesures. Il y a un Petit interlude d’orchestre entre les deux premières scènes du 2e acte.
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