France Aéro, septembre 2001


MÈRE MORTE

Un jour ou l’autre, les écrivains parlent de leur mère. Pour dire combien ils l’ont aimée, ou qu’ils l’ont haïe, ou tout ce qu’ils auraient voulu lui dire…

Pour décrire cette lente  « cérémonie des adieux » qui fait d’eux de jeunes ou de vieux orphelins. L’exercice est périlleux, parfois larmoyant. Pierrette Fleutiaux, qui vient de s’y essayer, offre l’un des plus beaux textes de la rentrée littéraire.

Pas de larmes ni de regrets superflus. Pas de règlements de comptes postmortem… Elle raconte la vente de la maison familiale, puis les voyages réguliers à la maison de retraite d’où partent des coups de téléphone inquiets. Elle montre la trouble émotion d’un repas de famille chez son frère, l’effervescence autour du choix d’une robe, l’éternel charme de sa mère…

Et dans ce récit d’une vie, empreint de légère nostalgie, où elle évoque le souvenir du père, l’enfance paysanne de la mère et sa volonté d’échapper à son milieu d’origine, jamais ne surgissent des sentiments convenus. Le mystère des relations entre mère et fille, le regard circonspect de la femme sur sa fille écrivain, les furtives complicités intellectuelles ; tout est dit sans peser, sans mise en scène. Le livre de Pierrette Fleutiaux, prix Femina 1990 pour  « Nous sommes éternels, » ne constitue pas un discours apitoyé sur le troisième âge, ni même une exaltation de la vieillesse. Si l’on sent parfois passer dans ses pages l’aile de la mort, ce n’est pas elle qui donne le ton.  « Fais des phrases courtes pour être comprise, » disait la mère. La fille a retenu la leçon. Elle parle de sa mère comme si elle souhaitait que le lecteur trouve enfin ses mots pour parler de la sienne.

Du même auteur, partir à l’aventure sur l’Ile de Pâques (L’expédition)… Un récit sur l’excitation des voyages, drôle et tragique à la fois. Un roman riche en péripéties, mélancolique et une méditation sur !’art de vivre sa vie.